Egypte : l'opposition veut la tête du raïs Morsi

8 Décembre 2012



Samedi 1er décembre, les opposants « laïco-libéraux » de Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, étaient réunis place Tahrir pour manifester leur mécontentement vis-à-vis de la nouvelle Constitution et des nouveaux pouvoirs que s'est octroyés le président égyptien.


Elshamy/AA/ABACAPRESS.COM
Elshamy/AA/ABACAPRESS.COM
La nouvelle constitution qui fait violemment polémique en Égypte affirme que la loi islamique sera l'une des principales sources du droit. Rappelons que c'était également le cas sous le régime d'Hosni Moubarak. Ce terme est donc plutôt vague et ne ferme pas la porte à d'autres voies juridiques. Les anti-Morsi jugent cette constitution totalitaire, non démocratique, pensée pour les Frères Musulmans. Selon eux, elle ne permettrait pas la liberté de religion et d'expression.

Par ailleurs, un article interdit d'insulter les prophètes des religions monothéistes. La confrérie n'a jamais caché son envie d'appliquer la charia islamique d'où la méfiance des chrétiens et des laïques qui craignent de voir leurs libertés réduites. Le 1er décembre, des centaines de milliers de pro-Morsi sont descendus dans les rues pour soutenir le chef d'Etat. Pour contrebalancer, la manifestation des opposants sur la place Tahrir, Mohamed Morsi a annoncé un référendum sur la nouvelle constitution le 15 décembre. Ceci n'a pas calmé l'opposition, bien décidée à dénoncer ce qu'elle considère comme un coup de force. Certains donnent désormais le sobriquet de « pharaon » au président, comme Mohamed El-Baradei, prix Nobel de la Paix.

Les magistrats sont également rentrés dans la danse et appellent à la grève générale. Depuis le 21 novembre, les opposants manifestent contre le décret qui élargit les pouvoirs du président. Ce dernier détenait déjà l'exécutif et le législatif, il s'approprie désormais le pouvoir judiciaire. L'omnipotence du Président devrait durer jusqu'à l'élection d'un nouveau Parlement mais les anti-Morsi ont bien du mal à y croire. Mohamed Morsi a commencé par limoger le procureur général Abdel Mahmoud. Il va également relancer le procès des manifestants morts pendant la révolution. Le Président égyptien tranche sec dans une justice paralysée depuis le départ de Moubarak. La montée en douce des pouvoirs de Morsi fait furieusement penser aux actes d'un dictateur en puissance, même si l'intéressé a déclaré qu'« il n'y a pas de place pour la dictature » et se réjouit que l’Égypte soit une opposition politique.

« Dégage Moubarak Morsi »

Egypte : l'opposition veut la tête du raïs Morsi
Les opposants au Président se sont réunis samedi dernier en parallèle d'une manifestation de soutien au projet constitutionnel qui comptait une centaine de milliers de personnes. Le soir-même, Mohamed Morsi annonçait l'organisation d'un référendum sur la nouvelle constitution. Selon le Président, le but de ce projet est « d'exprimer les objectifs de la révolution » ainsi que « l'ouverture d'un débat national sérieux » pour « protéger [la] nation ».

En tout cas, on dirait bien que les arguments du débat ressemblent plus à « dégage » ou « va-t-en » pour les opposants à Morsi qui occupent les alentours du palais présidentiel, réussissant à faire fuir temporairement le chef. L'armée leur a répondu en plaçant des chars devant le palais pour calmer les affrontements entre les alliés et les opposants au pouvoir égyptien qui ont déjà fait cinq morts la nuit du 5 décembre. Les militaires ont lancé un ultimatum aux manifestants pour qu'ils quittent les lieux. La presse reste, quant à elle, silencieuse. Plusieurs journaux indépendants ont suspendu leur publication, en signe de refus du projet de constitution qui priverait la presse de sa liberté d'expression. 

La croisée des chemins

L'arrivée de Mohamed Morsi a clairement montré la fracture qui existe en Égypte. Il y a d'un côté une Égypte conservatrice, tournée vers la religion, qui n'exprime aucune refus clair quant à l'application de la loi islamique. De l'autre, un peuple plus libéral, tourné vers l'Occident et la démocratie. Le liant entre les deux pourraient être la prestigieuse école islamique d'Al Azhar, véritable autorité théologique et spirituelle dans le monde musulman également très respecté par les Frères Musulmans. Ahmed al-Tayyeb, l'imam de l'institution millénaire a demandé aux opposants et partisans « de mettre fin à cette situation » et invite les égyptiens de « toutes tendances à la retenue et à recourir au dialogue pacifique et civilisé ».

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Abdou Sarr
Journaliste polyvalent, à l'aise aussi bien avec les questions politiques que sportives. En savoir plus sur cet auteur